Un éléphant...
Hier matin à Nantes, à 11 heures, un animal étrange s'est éveillé Cours St-Pierre : un éléphant mécanique ! Alors qu'on l'entendait ronronner de sommeil (enfin, je ne sais pas si l'on peut dire cela d'un éléphant...), tout un aréopage d'êtres supérieurs (le sultan et sa suite) est arrivé en limousine américaine (vous savez, celles qui appartiennent aux caïds dans les films d'outre-Atlantique, d'une longueur impensable), a grimpé accompagné de simili-serviteurs-XVIIIe s. sur et dans les entrailles de la "bêêête", laquelle a commencé illico presto à bouger, d'abord un petit peu, puis de plus en plus, jusqu'à un barrissement phénoménal qui a emporté l'enthousiasme et les applaudissements du public.
Puis, après avoir ingurgité du foin (articulations de la trompe !), le mastodonte, désormais debout sur ses pattes, fut rejoint par une charmante jeune fille (enfin, elle ne s'appelle pas "la petite géante" pour rien : ils sont Gulliver, nous sommes les habitants de Lilliput !) : bonjours fraternels, gestes d'affection, puis l'immense pantin vivant de la fillette se mit à faire de la trottinette !
Je dis cela à la façon d'un reportage mais, croyez-moi : quelle émotion ! Quelle vie sont-ils arrivés à donner aux deux créatures inanimées ! Certes, la troupe Royal de Luxe (puisque c'est d'elle qu'il s'agit) n'en est pas à son premier coup d'essai, mais je crois que c'est incontestablement le plus beau.
Bien sûr, tout cela se déroule dans le cadre de l'année Jules Verne. L'idée d'un éléphant mécanique vient de lui : on la trouve dans La Maison à vapeur (1880) : "Ce que traînait cet éléphant, c'était un train composé de deux énormes chars, ou plutôt deux véritables maisons, sortes de bungalows roulants, montés chacun sur quatre roues sculptées aux moyeux, aux raies et aux jantes" (Verne). Cet ouvrage alors épuisé fut réédité avec de nouvelles illustrations il y a tout juste dix ans par une petite société nantaise, les Presses du Temps, fondée par deux RMistes de l'époque. Malheureusement, ce petit éditeur ne put livrer à ma connaissance qu'un second ouvrage avant de mettre la clé sous la porte, un autre livre de Jules Verne, selon le même principe, César Cascabel (1890/1996). Je voulais ici leur rendre un hommage qui m'a semblé bien absent dans tout ce que j'ai pu lire ces derniers temps.
Pendant que l'émotion faisait son oeuvre, une pensée n'arrivait pas à quitter mon esprit : à combien d'heures, de jours et de nuits de travail, un tel spectacle devait-il de voir le jour ? Ceux qui prononcent les mots d'artiste ou de saltimbanque avec commisération ou même parfois mépris se rendent-ils compte du souci permanent de ces femmes et de ces hommes pour mener à bien une telle entreprise, avec le seul but, mais au combien grandiose, de nous divertir, de nous émerveiller et de nous faire réfléchir ? Je ne crois pas qu'ils comptent leur temps ! Alors, de grâce, ne leur comptons pas notre reconnaissance !
Quelle chance pour la ville d'Amiens (l'autre cité vernienne, co-commanditaire de la création) qui accueillera le spectacle poétique de Royal de Luxe du 16 au 19 juin.
Pour saisir mon propos et goûter de loin à l'atmosphère, vous aurez tout votre compte de photos et de vidéos sur : http://www.nantes.fr/ext/royal_de_luxe_2005
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