Eurovision : twelve points ?
Ah, l'Eurovision... Qui n'a aucun souvenir de cette émission annuelle me jette son dernier CD de Marie Myriam. Certaines de mes connaissances se déguisent même en pattes d'eph pour mieux goûter le second degré.
Ce week-end se déroulait la 50e édition. Jubilé donc, marqué par un grand coup médiatique : la réconciliation de Julien Lepers et de Guy Carlier. Il faut dire que l'affaire n'était pas gagnée d'avance lorsque l'on connaît les chroniques que le dernier a pu faire sur le premier. On ne les compte plus, et le portrait est toujours le même : celui d'un présentateur dépassé par ses débuts de phrases qui le mènent à des conclusions sur-poétiques. Cette Eurovision, c'est finalement comme les JO, on fait la trêve pendant son déroulement, c'est l'amitié entre les peuples qui se renoue, n'en jetez plus ! Ici, il s'agissait de deux intervenants de la télé : "C'est le couple inattendu, on se tient la main" lança Lepers dès l'ouverture. Mal lui en a pris car Carlier passa ensuite tout son temps à exciter l'imagination des télespectateurs en inventant des scènes de coulisses entre eux deux toutes plus torrides les unes que les autres, ce qui finit par gêner ledit Lepers (Israël, n° 11, un slow : Carlier invite Lepers à danser et c'est parti pour un grand délire verbal !). Le point culminant fut la reprise en duo de "Pour le plaisir" (dont l'auteur, pour ceux qui ne le sauraient pas, est l'animateur de Questions pour un champion). Carlier nous avait bien annoncé dès le début "un petit montré de culotte", mais il ne s'agissait de celle d'aucun des deux compères : il évoquait à l'avance le candidat n° 15 (dont j'ai oublié le nom et le nom du pays).
A cette réconciliation, il faut ajouter, mais oui, la diffusion en son dolby surround ! Vous vous rendez compte ! La première fois en cinquante ans !
Avec l'Eurovision, on a l'impression de vivre un moment d'éternité : bien que les années passent, il y a si peu de changements au fond. Toujours le même déroulement en deux parties, avec ses votes interminables destinés à créer un suspens insoutenable, les cris des primés remis en cause au vote suivant, les "ten points" à Malte qui renversent le rapport de force avec Chypre ! Comme l'ont rappelé nos deux commentateurs, c'est d'ailleurs une émission hautement géopolitique : la Turquie va-t-elle voter pour la Grèce ? Et cette dernière ne va-t-elle pas enfoncer définitivement la Macédoine (remarquez, dans une bonne mayonnaise...) ? On remarquera que la Turquie, l'Ukraine et Israël participent à cette émission. C'est comme pour le foot : l'art et le sport sont tellement en avance sur la politique (;o), comme dirait Pass) !
Grâce à cette émission et à ses archives, on peut suivre tous les tics musicaux d'une époque : les formations en groupes des seventies et les choristes immobiles au fond de la scène, de nos jours les danseurs synchronisés qui s'escriment autour de l'interprète. Et puis, il y a les tics immuables, qui imposent l'existence d'un style Eurovision : la majorisation finale, les marches de 7e (cf. Serbie-Montenegro, n° 12, dont Carlier lui-même estima que c'était "sans intérêt musicalement"), les mélodies sirupeuses (cf. Malte, n° 3, dont Carlier affirma qu'elle nous permettait de retrouver "les grandes heures de l'Eurovision" - pourtant arrivée 2e) ; on a malheureusement perdu (jusqu'à quand ?) la reprise du refrain final un demi-ton au-dessus...
Bien sûr l'Eurovision n'a que très rarement fait connaître des musiciens importants. Ils se comptent sur les doigts d'une main. Le groupe Abba dans les années soixante-dix, Céline Dion plus tard. Certains, maintenant très connus comme Patrick Juvet ou Julio Iglesias n'avaient pas été beaucoup remarqués à l'époque de leur passage. Et aujourd'hui ? Pensez-vous qu'Helena Paparizou (cf. photo) fera une carrière européenne ? Je sais, elle chantait "My number one", mais pour être la première, il faudra une chanson un peu meilleure. On constatera sûrement la même chose dans quelques années à propos des candidats-chanteurs des émissions de télé-réalité. Souvenons-nous que "Comme d'habitude" de Claude François n'avait reçu que très peu de voix lors de son premier passage à la télévision française dans une émission de Guy Lux. Samedi soir, notre pauvre française, Ortal, n'avait jamais pensé que sa chanson "Chacun pense à soi" était prémonitoire : passée dernière des vingt-quatre participants, elle finit la soirée avant-dernière. Naturellement : peu de pays avaient pensé à elle ! Et pourtant, elle n'était pas pire que beaucoup d'autres. Quelle valeur ces choix ont-ils ? Aucun mais qu'importe, l'essentiel étant de s'amuser.
Alors, vraiment, pour :
- Sa capacité à nous faire remonter le temps ou à le figer ;
- Ses chansons insipides dont on ne retient presque jamais un seul refrain ;
- Son influence sur l'agitation bénéfique de nos côtes.
Je vote : Eurovision, twelve points !
LA PHRASE DU JOUR - Jean-Pierre Raffarin, lors d'un meeting UMP à Garges-lès-Gonesse samedi : "Ne soyons pas frigides" avec l'Europe [sic]. Avec le "Touch my fire" de Javine (Royaume-uni), c'est impossible à l'Eurovision. Alors, votez oui (pour cette dernière, du moins) !
5 Comments:
Addenda (25 mai)
Cette petite phrase de Jean-Pierre Raffarin, d'abord assez peu reprise dans les médias (l'AFP n'en a pipé mot), a fait cependant l'objet de remarques que je me dois de mentionner.
- D'abord, un commentaire assez cru que je n'aurais jamais osé écrire mais assez drôle tout de même, et qui convient bien au grotesque du propos initial : allez voir http://vinaigre.canalblog.com/ à la date du 21 mai.
- Ensuite, le Canard enchaîné de ce matin (p. 2) : "Est-ce un aveu d'impuissance ?"
- Enfin, Henri Emmanuelli aujourd'hui sur RTL : "Traiter ses adversaires de frigides c'est, au minimum, être mauvaise langue".
Voilà où nous mènent les phrases à l'emporte-pièce dont nous gratifie chaque jour notre premier ministre...
Bon, je prends le temps de me mettre à jour et, par soucis de logique, ayant fortement incité l'auteur à nous pondre un blog, je le met en lien sur le mien (non, pas de merci, c'est moi qu'ai commencé ;o)
Bon sinon, mis à part que j'ai la sensation que les thèmes sont très fortement inspirés du Canard que tu lis (j'l'ai lu par dessus l'épaule d'un voisin de TGV !!! lol), le style est enjoué et le verbe recherché !!!... Non, c'est juste pour le plaisir de faire la critique d'un prof agrégé !!! ;o)
Sinon, pour Carlier (je suis ça aussi - lol), c'est tellement vrai que les phrases de Lepers sont issues d'un "neurone qui se mort la queue"... dommage qu'ils soient pu fachés ces deux là !!! hé hé hé !!!
Autrement j'ai dit ça moi ??? à propos des sportifs et de la politique.... Me souviens même plus de mes conneries !!! Où va-t'on ?
Affaire de blog à suivre : Rêverie Musicale : twelve point pour s'être réaclimaté à l'écriture !!! ;o)
Merci beaucoup pour mon entrée à grand fracas dans la pensée néo-pascalienne ! Je ne vais pas tarder à vous rendre la pareille chère bloggeuse.
Comme "les études ne font pas l'intelligence et..." (air connu), j'espère que l'humour (mais on fait ce qu'on peut) n'est pas impossible chez les agrégés...
J'espère aussi que les chroniques futures montreront un panel plus diversifié que de simples commentaires calqués sur le Palmipède (soit dit en pass'ant : quelqu'un à la fois abonné à La Croix et au Canard ne peut pas être complètement obtus ?).
Quant au clin d'oeil pascalien, il portait sur le smiley, ma chère Pass. Je n'ai pas l'habitude de les utiliser. Mais tu l'avais constaté ?
Dernier addenda sur la raffarinerie ci-dessus : France-Inter a diffusé la phrase ce matin dans son dernier "Journal de campagne" (avant 8 h).
Un agrégé qui me cite ne peut pas être foncièrement mauvais !!! ;o) ;o) ;o) ;o) ;o)
après dissipation des doutes dans une note postérieure, je prends le "pari" (de Pass...oui, je sais c'est facile !!!), que ce blog va en intéresser d'autres !
A bons bloggeurs salut.
Addendum (6 juin). L'AFP fait donc sienne la raffarinade ci-dessus dans son florilège (voir ce blog, 5 juin 05). Dont acte.
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