La Bible au Reader’s digest ?
Voici une nouvelle tentative de l’édition pour vendre des livres dont on n’a gardé que le meilleur, enfin... selon l’éditeur.
On se souvient qu’il y a quelques années l’éditeur Fixot (si mes souvenirs sont exacts) avait envisagé de vendre les grands classiques expurgés de leurs passages inutiles comme les descriptions (vous ne saviez pas que les descriptions sont inutiles dans un livre ?). Certes, elles sont nombreuses chez un Balzac mais, avec des paragraphes résumant parfois des pages entières, le rythme d’un livre n’était alors plus le même. L’affaire avait fait long feu, ce qui fut pour moi assez réjouissant : il me semble que c’est à nous de nous mettre à la hauteur des chefs-d’œuvre et pas l’inverse. En fait, l’éditeur n’avait pas compris que même les lecteurs moyens se sentaient méprisés par le fait qu’on leur mettait sous le nez une édition soit disant plus facile à lire pour eux.
Aujourd’hui, un prêtre de l'église anglicane, le révérend Michael Hinton, s’attaque à un monument autrement plus important : la Bible, rien que ça ! Il vient de lancer une édition si condensée qu'elle peut être lue, selon lui, en 100 minutes (édité par Len Budd, propriétaire de 100-Minute Press).
Même discours que pour Fixot : l'ouvrage est destiné à ceux qui veulent découvrir la Bible, mais dont le temps est compté, et aussi aux fidèles qui trouveraient un peu longuette la version originale.
La "Bible en 100 minutes" se concentre sur la figure de Jésus, même si elle se veut un aperçu complet du texte sacré, depuis la Genèse jusqu'à l'Apocalypse. On voit bien l’orientation : tout est axé sur le Nouveau Testament. C’est une Bible uniquement à l’intention des chrétiens. L’auteur a d’ailleurs affirmé à la BBC que les paraboles (récits imagés porteurs des enseignements bibliques) les plus familières des chrétiens se retrouvaient dans son travail.
Remarquez, cela peut-être utile pour apprendre quelques notions. Je vais maintenant vous raconter une anecdote édifiante. Christophe Hondelatte, le fameux journaliste dont beaucoup disent qu’il est le meilleur de sa génération, celui qui fit un bref passage debout (innovation !) à la présentation du 13 heures de France 2 avant de partir du jour au lendemain, ne pouvant plus supporter la pression médiatique, avait été particulièrement brillant lors d’une interview sur France Inter, alors qu’il présentait le 13 heures. Recevant un enlumineur (je crois) à propos de la sortie d’un ouvrage d’art autour de L'Apocalypse, il s’était mis à lire quelques phrases telles que : « Dieu dit : “Que la terre verdisse de verdure [...]”. La terre produisit de la verdure : des herbes portant semence selon leur espèce, des arbres donnant selon leur espèce des fruits contenant leur semence, et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : troisième jour. » puis, émerveillé, s’adressa à son interlocuteur : « C’est ça, hein L’Apocalypse ? ». L’interlocuteur fut poli et ne releva pas. Ch. Hondelatte venait de faire un contresens magistral, puisqu’il prenait la fin pour le début ! Un si gros livre : il venait de lire les premières phrases de la Genèse (ici : I, 11-13, traduction Bible de Jérusalem), celle de la création du monde, et les attribuait candidement à L’Apocalypse qui ferme l’ouvrage et évoque la fin des temps. On peut ne pas être croyant. Mais manquer de repères à ce point lorsqu’on est journaliste...
Bref, rien n’étant jamais inutile, cet ouvrage peut guider les néophytes. Mais, même s’il faut reconnaître que certains livres de la Bible sont uniquement circonstanciels (voir par exemple les Livres des Chroniques, constitués souvent de listes de noms interminables sans message spirituel), l’ouvrage entier reste nécessaire.
La traduction de la Bible de Jérusalem ou la TOB (Traduction œcuménique de la Bible) restent les plus courantes et les plus accessibles : elles allient à un français « normal » les recherches scientifiques les plus poussées (philologiques, exégétiques...). Vous pouvez lui préférer la version de Lemaître de Sacy dans le merveilleux français du XVIIe siècle (Port-Royal) même si la traduction cherche plus à façonner un beau texte qu’à respecter à la lettre l’original (disponible dans la collection « Bouquins »). La traduction beaucoup plus récente d’André Chouraqui vous mènera vers la poésie. C’est un merveilleux enchantement, mais il vaut mieux avoir d’abord quelques notions si l’on veut la comprendre. Enfin, il y a quatre ans, les éditions Bayard ont proposé une nouvelle traduction, très intéressante mais inégale du fait de la multitude de collaborateurs. Elle parvient néanmoins à revivifier des textes qui nous parlaient moins à force d’être rabâchés. Même des traductions parfois discutables (à mon goût) comme l’évangile de Matthieu par Marie-Andrée Lamontagne et André Myre sont assez passionnants car très suggestifs et permettant une nouvelle réflexion personnelle.
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