3.7.06

Payer pour ne pas regarder


Patrick Besson est chroniqueur au Figaro magazine pour une rubrique s’intitulant « Le plateau télé de Patrick Besson ». Cette semaine-ci, il s’agissait d’une chronique tout à fait hilarante sur les déboires du prélèvement automatique. C’est moi-même une chose qui m’angoisse toujours quelque peu et me pousse à limiter au maximum mes autorisations. Besson nous raconte ici comment il doit maintenant payer pour ne plus regarder Canal + ! Voici sa chronique :


31,90 euros

« Ayant résilié mon abonnement à Noos le 28 février (n° de client 105625620), je ne reçois plus Canal+, qui n'en continue pas moins de prendre chaque mois sur mon compte en banque 31,90 euros. Pour rectifier cette erreur, j'ai appelé tous les numéros que Noos met à la disposition de ses abonnés : le 08.26.20.20.00, le 08.92.02.00.10, le 08.92.39.40.40, le 08.92.39.39.10. Sans parvenir à résoudre mon problème. Ni même à entrer en contact avec un être humain. J'en suis venu à la conclusion que, pour le restant de mes jours, il me faudrait verser mensuellement 31,90 euros à la chaîne cryptée. C'est une espèce de pension alimentaire, le terme exact est prestation compensatoire, que le juge des affaires télévisuelles, à peine moins sévère que celui des affaires matrimoniales, m'impose pour ne plus voir Canal. J'ai souhaité reprendre ma liberté et la liberté a un prix : 31,90 euros. Ça n'a pas l'air beaucoup à première vue, mais, sur un an, ça fait tout de même 372,80 euros. Et sur dix ans : 3 728 euros. Sur vingt ans, donc : 7 456 euros. L'espérance de vie moyenne des amateurs de piment rouge et d'eau minérale étant élevée, il n'est pas impossible que j'arrive à l'âge de 100 ans, auquel cas j'aurais versé dans ma vie, sans la moindre contrepartie, 18 640 euros à Canal+.

Néanmoins, je connais les besoins immobiliers de Michel Denisot et ceux, vestimentaires, d'Ariane Massenet, et doute que cette modeste somme mensuelle suffise à leur entretien. Je sais que Guy Carlier est moins cher à nourrir qu'avant son hospitalisation, mais il mange encore quatre ou cinq fois plus que vous et moi. Enfin, surtout vous. Mes pauvres, c'est le cas de le dire, 31,90 euros seront une goutte d'eau dans l'océan des dépenses de la chaîne pour ses animateurs. Que peut faire une vedette de Canal+ avec 31,90 euros ? Somme insuffisante à payer le dîner d'un top model, même anorexique, au restaurant L'Avenue ? Si en plus ils doivent se les partager ! 10 euros pour Denisot, 10 euros pour Massenet, 10 euros pour Carlier. Il me reste 1,90 euro et je ne sais même pas à qui les filer. Avant, je payais pour des programmes que je ne regardais pas ; maintenant, je paye pour des programmes que je ne regarde toujours pas. La différence ? Il n'y en a pas. Peut-être un petit avantage pour moi. Je me demande même si ça ne me fait pas jouir de donner de l'argent pour ne pas avoir Canal+. C'est l'affirmation financière d'un refus. On achète les gens pour ne plus les voir, c'est le principe des indemnités de licenciement. On s'offre leur absence. C'est aussi une sorte de pourboire que je laisserais avec classe à la fin d'un repas où je n'aurais rien mangé. Ou la dernière plaque de 10 euros qu'on lance négligemment au croupier avant de quitter une table de roulette où on se barbe. Personnel !
[... paragraphe sans rapport] »

Patrick Besson, Figaro magazine, 24 juin 2006, p. 30

1 Comments:

At 7/03/2006 6:05 PM, Anonymous Anonyme said...

Hilatante cette chronique mais tellement vraie!

 

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