Une fortune "myrobolante" !
On peut encore devenir propriétaire d'un trésor ! Non, je ne parle pas de Mrs Dolores McNamara, habitant Garryowen, près de Limerick, dans le nord de l'Irlande, qui vient d'empocher les 115 millions d'euros de la grande cagnote de l'Euomillions. Trop banal ! Non, non :
« Il existe encore de vraies histoires de trésors. Comme celle qu'a vécue, mi-janvier, un habitant de Preuschdorf, petit village du nord de l'Alsace. Pour ses liqueurs, il décide de planter un myrobolan - un prunier sauvage - dans le verger qui jouxte sa vieille maison à colombage. Mais, après quelques coups de bêche, il met au jour un vase d'une quinzaine de centimètres de haut anormalement lourd. Et pour cause : l'urne gardait jalousement, depuis le XVIIe siècle, près de 2 kilos de "pfennigs", des petites pièces en argent de la taille de celles de cinq centimes, utilisées à l'époque pour le commerce de détail en terre d'Empire.
Numismate occasionnel, l'homme rapporte sa découverte au maire de son village, qui la fait expertiser. L'expert n'en croit pas ses yeux : ce sont 7 084 piécettes en billon - l'alliage de cuivre et d'argent utilisé alors -, exceptionnellement bien conservées, tout juste légèrement oxydées, pesant chacune moins de 0,3 gramme.
Les pfennigs sont frappés sur une seule face aux armes des princes alsaciens et allemands, sur une période allant du XVIe au début du XVIIe siècle. Restaurés, ils révèlent les blasons des principautés de Fribourg, du Wurtemberg, de Nuremberg et de Cologne, avec, parfois, des dates ou des lettres identifiant les ateliers. La majorité arborent les chevrons du Hanau-Lichtenberg, le comté dont dépendait Preuschdorf à l'époque, mais également la rose à cinq pétales et à damier de Haguenau ou encore le lys de Strasbourg, ville impériale.
L'expert invite le conseil général du Bas-Rhin à se porter acquéreur du trésor, qu'il juge "sans équivalent en Alsace et en Allemagne" et estime sa valeur à 100 000 euros. Chaque pièce, une fois restaurée, peut valoir, vendue séparément, entre 20 et 200 euros. Mais le découvreur décide de ne pas diviser le trésor et accepte le compromis. Parce qu'il est propriétaire du terrain, la somme lui revient intégralement. Du coup, il préfère rester discret. Tellement discret que l'histoire n'aurait jamais été connue si les comptes rendus de la commission permanente du conseil général n'étaient pas publics.
Etait-ce la réserve d'un changeur de monnaie ? La perception d'une troupe en campagne ? Il reste au trésor de Preuschdorf à livrer ses secrets. »
Source : Le Monde, 30 juillet 2005, p. 1. Article rédigé par Pierre France.
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home