Camille : attention, génie !
Je sais : vous allez me dire que le terme est galvaudé. C’est vrai pour beaucoup de monde. Pas pour Camille. Cette très jeune chanteuse témoigne d’une maturité absolument impressionnante. Pour tout dire, elle est insolente de talent et d’intelligence.
Je reviens d’entendre le concert qu’elle a donné ce soir à Rezé près de Nantes et c’est déjà un des concerts marquants de mon existence, avec une dimension supplémentaire, celle d’avoir le sentiment d’assister à l’éclosion d’une des musiciennes les plus importantes des décennies qui viennent si elle sait se préserver.
Ce ne fut pas un choc pour moi parce que j’aurais découvert ses chansons au concert. Je les connaissais déjà très bien grâce à mon beau-frère qui avait entendu pour la première fois la chanteuse sur FIP il y a déjà de longs mois. Ce fut un choc de voir en direct la création se réaliser avec un naturel si confondant.
Vous aussi, vous connaissez sûrement beaucoup de titres de Camille car il est impossible qu’ils n’aient pas, à quelque niveau que ce soit, marqué votre oreille : 1.2.3., Paris, Le sac des filles, La jeune fille aux cheveux blancs, Ta douleur, Vous (« Est-il bien nécessaire de me dire vous plutôt que tu Si c’est pour par derrière me botter le cul ? »), Au port...
Résumons : en seulement deux albums, Camille a déjà produit une quantité très importante de chansons dont chacune a une personnalité propre, tant et si bien qu’elles sont déjà des classiques et vont rester dans l’histoire de la musique. Un tel pourcentage de réussite pour, redisons-le, seulement deux albums, est la marque des grands. la chanteuse a déjà fait la une de Telerama en avril dernier en compagnie de Jeanne Cherhal et vient, à juste titre, de remporter le prix Constantin le 8 novembre, prix récompensant un nouvel artiste ayant marqué l'année musicale de son talent. Croyez-moi, ce n’est pas fini.
Ce soir, nous avons assisté à un concert hors normes, à tous les niveaux, avec un investissement personnel immense de la chanteuse. Elle est accompagnée par deux musiciens dont l’un est spécialisé dans les parties basses (contrebasse, guitare basse, percussions) pendant que l’autre l’est dans les instruments harmoniques (piano, accordéon). Il ne faudra pas oublier le sampler qui permet à Camille d’avoir des rythmiques délirantes grâce à ses divers bruits de bouche et claquements de mains. En effet, en introduction de presque chaque chanson, elle installe la rythmique en superposant progressivement les différents motifs, comme les couches d’un mille-feuille si vous voulez : elle chante le premier motif qui est aussitôt diffusé par la machine, puis chante le deuxième motif pendant que l’appareil diffuse le premier et enregistre ce deuxième, etc. Quand tout est prêt, Camille change de micro et le chant commence.
Un concert comme celui que je viens de suivre ne peut se concevoir sans une énorme préparation. Et pourtant, Camille laisse la place à beaucoup de possibilités d’improvisation qu’elle saisit toujours avec grand brio : dès qu’une chanson est bien lancée, elle rajoute des contrechants et contrepoints dans l’aigu ou dans le grave. Ce qui témoigne d’une oreille quasi-infaillible. Le public est dans la découvert permanente.
Dépense physique impressionnante pendant le concert, ambitus de la voix très étendu, Camille donne énormément sur scène, pour ne pas dire qu’elle donne tout. C’est pourquoi je souhaitais tout à l’heure qu’elle se préserve dans les années futures. Elle me faisait penser parfois à quelqu’un comme Janis Joplin dont on sait la fin douloureuse.
Beaucoup d’émotion, de sensibilité. Des chansons douces et émouvantes viennent apaiser de temps à autre le climat débridé. L’une d’entre elles, Mon petit vieux, montre toute l’étendu de son talent et son originalité. Pour une fille qui n’a que quelques années de plus qu’une Lorie, déclarer « C’est beau ses rides autour des yeux », c’est tout de même témoigner d’un regard distancié sur la vie et d’une attitude hors mode en nos temps de jeunisme totalitaire.
Quant à l’intelligence, on l’a dit, elle transparaît partout. On sait que la demoiselle fit Lettres sup. au lycée. Elle blague continuellement avec le public et invente un nouveau concept pour le 3e bis (donc... le ter ; en fait, il y eut quatre rappels) : la chanson « cadavres exquis » selon la méthode des surréalistes. Le public, chaque soir, fournit un nouveau vers à une chanson qui se forme donc au fur et à mesure de la tournée. Camille chante la mélodie sans les paroles, attire notre attention sur le passage qui nous concerne et demande quelques propositions. Ce soir, le mot retenu fut « Patatras » (il y avait eu « nouveau Beaujolais » un soir précédent...). Nous verrons si cette chanson insolite prendra place dans le prochain album.
Personnalité hors du commun, de celle dont on se dit : « on n’avait encore jamais entendu ça mais ce ne pouvait être que comme ça », je vous invite, si ce n’est déjà fait, à mettre ce prénom-nom CAMILLE dans votre mémoire. Il ne vous quittera plus.
Le site officiel est sur http://www.camille-lefil.com. Vous y serez accueilli par une sorte de comptine (Camille adore Prévert). La navigation est un peu complexe comme le personnage mais, avec le bon navigateur (mon Firefox sous Mac plantait quelque peu par exemple, pas mon Safari), vous pourrez entendre des extraits du premier album « Le sac des filles » (pas du second, « Le fil », trop connu) et vous rendre compte que vous connaissez un bon nombre de refrains.
3 Comments:
Je ne connais pas cette chanteuse, je vais donc faire sa connaissance grâce à toi.
@ bientôt
demande très particulière : Dis moi, puis-je reprendre le titre de ta note "attention Génie !" pour m'en servir sur une future toile ?
Bien entendu ma chère Cacou. Je n'avais de toute façon pas marqué : © !
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