On vient de retrouver le piano-forte de voyage de Mozart !
Vous allez me dire, cela tombe particulièrement bien : au moment où l’on s’apprête à fêter le 250e anniversaire de la naissance de Mozart, on retrouve un objet important susceptible d’attirer les foules. C’est sans compter sur le hasard et la ténacité qui font aussi parfois bien les choses. On vient également juste de retrouver un autographe de la Grande Fugue de Beethoven perdue au fin fond d’une bibliothèque américaine ; on n’est pas pour autant dans une année Beethoven.
Amis parisiens, vous pourrez très bientôt admirer cet instrument en bois de merisier et ronce de noyer, à quatre octaves, et ne pesant pas plus de 13 kilos, puisqu’il sera dévoilé pour la première fois au public au Salon du Patrimoine Culturel se déroulant du 3 au 6 novembre (Carrousel du Louvre). Johannes Carda, restaurateur d'instruments anciens, intronisé "Maître d'Art" en 1998 (qualification d'excellence donnée par le ministère de la Culture), a en effet accepté de se séparer quelques jours de son "trésor patrimonial", pour le présenter, restauré, douze ans après l'avoir acquis.
Pourquoi tant de temps avant que le monde entier soit au courant ? C’est qu’il en a fallu des vérifications de sources avant de pouvoir affirmer qu’il s’agissait bien du piano-forte de voyage de Mozart. Petit historique :
C'est à l'occasion d'une ventes aux enchères à Chartres, en 1993, que M. Carda, pianiste viennois reconverti dans la facture et la restauration des piano-forte, clavecins et clavicordes du XVIIIe siècle, a reçu ce merveilleux "cadeau du ciel". "Imaginez seulement, affirme-t-il devant l’AFP , que j'achète un Stradivarius pour 23.000 FF!" (3.500 €). Soit dit en passant, c’est un peu différent : l’instrument, même s’il est de qualité, est d'abord ici intéressant pour son aspect historique. Un Stradivarius l’est avant tout pour le son qu’il peut encore donner aujourd’hui à un interprète.
A peine déchargé de la voiture, le "klavierel" (petit piano") dont les pieds se démontent, livre une précision jusque là dissimulée sous un cache-poussière : une vignette où figurent trois indications : "Augsburg", "Wirth" et une date "17..". "Probablement 1786", selon M. Carda. Augsburg était la ville natale en Bavière de Léopold Mozart, père de Wolfgang Amadeus et Wirth, l'élève du célèbre facteur de piano-forte Johann Andreas Stein.
Des lettres échangées avec la fondation internationale Mozarteum de Salzbourg, la découverte de nouveaux indices que livrent un morceau de broderie et des signatures apposées en 1853 sur l'instrument par des réparateurs italiens de Côme — où vivait le fils du compositeur autrichien —, confirment pratiquement l’appartenance.
L’instrument n'attend plus que sa reconnaissance officielle. "Personne ne s'est soucié jusqu'à présent d'apporter une aide — infra-rouges, examen de la broderie — à son restaurateur, souligne la Commission des Maîtres d'Art. Son exposition au Salon du Patrimoine Culturel devrait permettre son authentification officielle. Il reste que Johannes Carda, qui a réparé des instruments des collections les prestigieuses au monde, est probablement le mieux placé!"
Une belle histoire qui va connaître la consécration publique dans quelques jours.
Rappel : le piano-forte est l’instrument qui a succédé au clavecin vers le milieu du XVIIIe siècle. Le passage de l’un à l’autre s’est fait progressivement mais inéluctablement : le nouvel instrument, grâce aux marteaux venant frapper la corde, pouvait faire des nuances suivant la force avec laquelle on enfonçait la touche. Il pouvait jouer un passage « forte » (fort) puis aussitôt un passage « piano » (doux). Ce que ne pouvait pas faire le clavecin dont la technique est tout autre : un sautereau vient pincer la corde lorsqu’on enfonce la touche. Mais qu’on l’enfonce doucement ou fortement, le son ne change pratiquement pas. Cette faculté du piano-forte à faire des nuances l’amena à remplacer le clavecin et lui donna son nom : « piano-forte ». Puis, comme souvent, le nom se simplifia et se résuma en « piano ».
On joue à nouveau aujourd’hui de ces instruments anciens. Andreas Steier est un des maîtres actuels du piano-forte, bien qu’encore assez jeune. Si vous écoutez des morceaux sur cet instrument, vous serez surpris : ce n’est pas vraiment la sonorité du piano que l’on connaît actuellement. Il y a beaucoup moins de résonance, un son un peu grêle, mais peut-être plus de couleurs. On est loin d’un grand piano de concert Steinway ou Bösendorfer, fruits d’encore beaucoup de décennies de perfectionnements.
4 Comments:
C'est ce genre de découverte qui réchauffe! Et en plus, fait perdurer les siècles passés! J'adore ce genre d'anecdotes : découvertes des objets fétiches ou instruments de travail de personnalités depuis longtemps disparues, tout est bon pour que je renifle l'odeur du temps passé (et ses images et sonorités, bien chuuuuur! lol)
Pour répondre à ton commentaire sur Boccanegra, je ne vise en aucun cas ce genre de mise en avant médiatique... (timide la dragonne, mine de rien) être lue par des gens qui apprécient et à qui je donne le goût d'écouter autre chose que le top 50, c'est ma récompense, même si ce nombre (et d'autant mieux, si j'y réfléchie) est relativement restreint.
Bonne journée et tiens nous au courant, dès qu'on "balance" la nouvelle à une échelle plus vaste sur les ondes)
J'adore ce genre de découverte. A moindre échelle, à Bois Colombes, lors de travaux effectués dans une petite avenue fermée par deux énormes portails soutenus par chacun deux gros piliers, a été découvert un bocal dans un de ces piliers. Dans ce bocal figurait des inventions et des plans d'inventions de Monsieur Robert Bain, dont l'avenue portée son nom.
Génial, Cacou !
C'est une bien belle et interessante découverte que voilà!
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