Voir Kampot et mourir
Un Californien de 57 ans répondant au patronyme de Roger William Graham, patron à Kampot (Cambodge) du Blue Mountain Coffee et de l'Internet Cafe dans la capitale provinciale du même nom au (située à environ 130 km au sud-ouest de Phnom Penh), possédant deux sites internet, vient d'inciter les gens qui ne savent pas quoi faire à venir mourir au Cambodge.
Les arguments sont frappants : il vante le calme de la ville de Kampot, affirme à qui veut l'entendre que c'est l'endroit idéal pour mettre fin à ses jours et lance : "De toute façon, vous allez mourir. Alors, pourquoi pas au Cambodge ?". Et, pour ceux qui veulent encore un peu de temps, il propose aux retraités en mal de joie de vivre de finir leurs jours au Cambodge où "il y a beaucoup de jolies filles". En outre, "la température est modérément chaude" et "vous ne serez pas méprisé à cause de votre âge", mais "respecté".
La campagne a remporté un vif succès sur internet. Selon Graham, son opération, qu'il qualifie d'humanitaire, a attiré en un mois près d'un demi-million de visiteurs.
Kampot, port charmant mais oublié, eut son heure de gloire du temps de la colonisation française si à la mode en ce moment, grâce à l'excellence de son poivre vert. La ville pourrait donc reprendre des couleurs mais le gouverneur de la province de Kampot ne l'entend pas de cette oreille, d'autant plus que certains semble prendre cette "publicité" au sérieux : une britannique quadragénaire vient de se suicider à Kampot. Monsieur Puth Chadarith a donc attaqué Graham en diffamation.
Du coup, le ministère s'en mêle également. Le porte-parole du ministère cambodgien de l'Intérieur, Khieu Sopheak, qualifie les deux sites de "très bizarres" : "C'est inacceptable. Le Cambodge n'est pas un lieu pour venir mourir, mais un endroit où on peut venir s'amuser". Selon le chef adjoint de la police à Kampot, In Chiva, plus d'une dizaine de propriétaires étrangers de chambres d'hôte et de restaurants de la ville ont porté plainte contre ces sites. Ils craignent qu'ils n'effrayent les touristes.
Rappelons aussi que le Cambodge se relève à peine de plusieurs décennies de guerre - et notamment du génocide perpétré par les Khmers Rouges dans les années 1970.
"Je suis un vieil homme dans une petite ville du Cambodge. Je ne veux faire de tort à personne. Mais j'ai mes propres convictions et, si on me le permet, je les ferai connaître aux gens", a dit Roger Graham à Reuters après avoir comparu devant le tribunal de la ville côtière de Kampot. "S'ils veulent m'expulser du pays, ils le peuvent. Je n'aspire qu'à gérer mon petit café et à terminer ma vie en paix. Je veux mourir ici", a-t-il ajouté. Il n'a pas été inculpé.
Le problème n'est donc pas un appel à seulement venir mourir à Kampot, mais bien à venir y mettre fin à ses jours. Au Cambodge, l'euthanasie est légalisée ou, plutôt, il n'existe pas de loi la concernant. Et Graham joue sur cette autorisation. S'il affirme ne pas plébisciter le meurtre, il ajoute: "Je ferai tout ce qui est nécessaire, dans le cadre de la loi (...) pour que vous ayez une expérience de fin de vie satisfaisante." Il faut dire qu'il est le fondateur de la "Société de l'euthanasie assistée", basée à Paradise, en Californie, arrivé au Cambodge en 2003. "Je crois que toute personne a le droit de choisir son heure, son lieu et sa façon de mourir", justifie-t-il.
Mais certains étrangers ont porté plainte. "C'était un petit site web tranquille", a t-il déclaré au Cambodia Daily. "Maintenant, c'est devenu un cirque et c'est un peu trop pour moi". Terminons par un dernier argument, tout de même un peu corrosif : "Dire que l'euthanasie nuit au tourisme n'a aucun sens. Quelque 450.000 personnes ont visité mon site. Et certains viendront ici", a estimé Graham.
Sources : AFP, 3 novembre 2005 ; Reuters, 9 novembre 2005 ; Reuters, 24 novembre 2005 ; Le Figaro, 29 novembre 2005, p. 44.
Sites de Graham : www.euthanasiaincambodia.com (vous pourrez voir un portrait de notre homme ; cliquez sur la version fraçaise, c'est plus drôle car traduit par un ordinateur...) et www.asian-hearts.com (ce dernier, visiblement fermé).
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