13.3.06

Té ! (déf.)


Un nouveau dictionnaire va bientôt apparaître sur nos étagères, en tout cas sur celles qu’il saura intéresser. Il va sans doute permettre de décoder certaines phrases hurlées par les supporters de l’OM : il s’agit en effet du premier dictionnaire académique sur le parler marseillais, un des emblèmes de la personnalité de la cité phocéenne, preuve qu'il est encore très vivant. Le secrétaire perpétuel de l'Académie de Marseille, Jean Chélini, souligne d’ailleurs que loin d'être folklorique, ce parler continue d'être employé d'un bout à l'autre de la ville, quel que soit le milieu social, avec un accent plus ou moins appuyé. « Il reste le langage parlé en famille, entre amis ». Et si parfois les Marseillais l'utilisent pour se mettre en scène, admet-il, en général « ils parlent marseillais sans se poser de questions, ils ne savent pas que c'est du marseillais ».

L'apparition du marseillais remonte au XIXe siècle, période à laquelle une bonne partie des habitants de la ville continuait de parler le provençal. Ils durent alors s'accommoder du français, la langue de promotion sociale, un français qu'ils se sont toutefois vite approprié, le truffant de mots et expressions issus du provençal et l'enrobant d'un accent qui, lui aussi, plonge ses racines dans la langue de Frédéric Mistral.

Le dictionnaire, réalisé par l'Académie des sciences et des lettres de Marseille, devrait paraître début avril chez Edisud (ISBN 2-7449-0614-X). Médéric Gasquet-Cyrus, professeur de linguistique de 30 ans ayant participé à sa rédaction explique qu’il recense plus d'un millier de mots, locutions et expressions : « On a essayé de prendre le marseillais du XXe siècle, ainsi que des mots plus désuets de la littérature du XIXe siècle qui font encore partie de la mémoire des Marseillais ». Il ajoute : « Le marseillais, c'est du français », mais un français tellement singulier qu'il est parfois incompréhensible à l'oreille d'un « estranger » (étranger).

Quatre-vingt-dix pour-cent du vocabulaire marseillais vient donc du provençal, à l'encontre de l'idée reçue d'un parler « métissé » par les nombreuses migrations accueillies par Marseille : ni les Africains, ni les Maghrébins, ni les Espagnols ou Portugais n'ont réussi à y imprimer leur marque, ou alors très peu. Le jeune professeur qui tient une chronique radiophonique quotidienne depuis sept ans sur le marseillais, ne note que quelques mots d'origine arabe, importés par les pieds-noirs, et pour certains passés dans le français, comme brêle, toubib ou kémia (apéro). En fait seul l'italien, également parlé dans les rues marseillaises au XIXe siècle, a réussi à s'imposer dans ce parler « d'un conservatisme qui rélève parfois de la xénophobie », juge-t-il.

Il explique que les mots inventés par les jeunes ne sont « pas beaucoup intégrés » non plus, observant qu'en revanche l'accent avait évolué ces dernières années sous l'influence « des habitants des quartiers nord ». Cet accent « a des traits communs avec celui de la banlieue dans la prosodie, le débit mais toujours avec le fond provençal » qui se caractérise notamment par le « e » muet, nasal, et la prononciation du « t » en « tch ».

Le marseillais n'est pas que parlé mais également chanté et écrit couramment, comme le démontre le dictionnaire. Chaque mot y est illustré par une chanson allant des années 1920 à nos jours (de Scotto aux rappeurs d'I am...) ainsi que par des citations des romans de Pagnol ou des auteurs de la veine marseillaise de romans policiers, très friande de ce vocabulaire chantant (Izzo, Carrese, Del Papas...). Quant aux journaux marseillais, ils utilisent sans complexe et sans guillemets des mots comme minots (petits) ou mèfi (attention).

Le dictionnaire a aussi pour objectif de montrer que ce parler n'est pas figé et sait se renouveler. Exemple, selon Jean Chélini: «On disait pastis, puis pastaga, un jaune et depuis cinq ans un fly».

Quel que soit le nom, il garde le même goût, peuchère !

Source : AFP, 12 mars 2006

2 Comments:

At 3/13/2006 3:17 PM, Anonymous Anonyme said...

Oui, à quand le dico pour la traduction, ce serait bien!!!

 
At 3/13/2006 9:13 PM, Anonymous Anonyme said...

C'est une bonne idée en soi, ce dictionnaire ! oui, il ne faut pas perdre nos "racines" d'où qu'elles viennent !
J'ai vu un dico comme celui que tu nous décrit sur le patois charentais ! et quand on connait un peu le dialecte, c'est passionnant !!
bonne soirée

 

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