6.6.06

Quand l’art maintient la vie malgré la mort qui rôde


Une exposition appelée à voyager à travers la France est présentée en ce moment à la chapelle romane de Balazuc en Ardèche. Elle montre les dessins de captivité de Roger Payen, résistant emprisonné entre mars 1943 et août 1944 à la prison de la Santé à Paris. Il réside à Balazuc depuis 1958.

A 93 ans, Roger Payen ne se lasse pas de raconter ses dix-huit mois de captivité, une période difficile mais traversée grâce à la camaraderie et l'humour que reflète bien le titre de cette exposition, « Parcours de Santé » : « En prison, les seuls moyens de s'évader, c'est l'imagination et l'humour. Au dos des premiers dessins de la prison que j'ai envoyés à ma femme, j'avais écrit “Hôtel de la Santé, grand standing, cour aménagée pour les activités de plein air, le sport et les loisirs”».

Cet état d'esprit inspire d'autres dessins, comme « Le coin toilette de Monsieur », représentant les installations sanitaires précaires des cellules, ou l'«Hôtel des cinq canards», qui montre comment entasser cinq ou sept détenus dans 12 m2.

Militant communiste entré en clandestinité dès septembre 1939, Roger profite alors de son métier de dessinateur d'intérieurs pour opérer des repérages avant des rencontres secrètes. En mars 1943, il est arrêté et, après un long interrogatoire musclé par les Brigades spéciales chargées de la répression anti-communiste, il est envoyé à la Santé.

En prison, il crayonne comme il peut jusqu'au jour où un « droit commun » lui demande de réaliser son portrait. Proxénète connu sous le nom du « moulineur », exerçant toujours son contrôle sur des filles à Londres ou Rome, ce détenu se faisait livrer midi et soir des repas de l'extérieur qu'il avalait dans sa robe de chambre en soie, se souvient Roger. Autant dire qu'avec la complicité de ce dernier, trouver du matériel de dessin ne lui était plus difficile.

Outre les portraits de prisonniers, Roger travaille sur des dessins politiques qui passent de cellule en cellule, ou à l'illustration de livres que les prisonniers ont pu faire entrer. Ses dessins témoignent aussi de la volonté des détenus de maintenir diverses activités au sein de ce qu'ils appelaient « L'Université de la Santé ».

Chaque matin, un «aboyeur» hurlait à travers les barreaux les nouvelles qui avaient filtré de l'extérieur, certains suivant sur des cartes l'avancée des troupes soviétiques face à Hitler sur le front russe. Des intellectuels donnaient des cours d'Egyptologie ou d'histoire des religions. D'autres lisaient à voix haute Descartes ou la République de Platon. Je peux ajouter que les musiciens continuaient à faire de la musique et qu’une grande œuvre, le Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen, fut composée dans un stalg de Silésie.

Les dessins de Payen relatent aussi certains drames de la guerre : les neuf « patriotes » fusillés le 30 avril 1944 après un procès sommaire ou les 28 fusillés après l'insurrection des « droit commun » du 14 juillet 1944.

Le 7 août 1944, les prisonniers politiques de la Santé sont libérés grâce à l'intervention des gardiens passés au Front National de Libération.

Roger Payen ne dessine plus depuis 1993. Son exposition dure jusqu'au 18 juin à Balazuc. Elle tournera d'abord en Ardèche avant de se rendre ensuite à Dijon et Paris.

Une exposition intéressante car faite de belles œuvres chargées d’histoire.

Source : AFP, 4 juin 2006

Allez voir quelques textes d’époque et quelques œuvres de Roger Payen (dont un beau dessin sur boîte d'allumettes) sur http://perso.orange.fr/aujourdhui/draveil/index.html. Cliquez sur le deuxième portrait d’homme le plus bas à droite. Il y a deux autres pages à trouver ensuite dans la grande marge de gauche.

1 Comments:

At 6/06/2006 7:11 PM, Anonymous Anonyme said...

Je ne connaissais pas cet homme, on en parle si peu des gens de cette personnalité !!! Magnifique!!
Merci de nous le faire connaitre.
J'espère que Cacou va passer.

 

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