1.6.05

Le P.A.F.


Faune
Originally uploaded by Rêverie musicale.
Sous ce sigle un peu trivial (mais je n'en suis pas l'auteur ; cf. un de mes maîtres, François Decarsin) se cache l'une des oeuvres les plus parfaites de l'histoire de la musique : le Prélude à l'après-midi d'un faune de Claude Debussy (1894). De cette partition, Manuel Rosenthal, grand chef d'orchestre et compositeur français, seul élève de Maurice Ravel, disait que c'était une des seules dans laquelle on ne pouvait trouver aucun "raccommodage" : tout s'enchaîne et coule d'une manière naturelle, comme si tout avait été conçu d'une seule traite.

Cette époque "fin-de-siècle" magnifie alors comme jamais la fusion des arts. Paris est la capitale artistique mondiale. Debussy, souvent peu à l'aise avec ses collègues musiciens, aime à fréquenter les peintres et les poètes. C'est ainsi qu'un poème de Stéphane Mallarmé va l'inspirer, L'après-midi d'un faune. En voici le début (la poésie de Mallarmé est un peu obscure mais très suggestive si l'on se laisse porter par les mots). C'est le faune qui parle :

« Ces nymphes, je les veux perpétuer.
Si clair,
Leur incarnat léger, qu'il voltige dans l'air
Assoupi de sommeils touffus.
Aimai-je un rêve ?
Mon doute, amas de nuit ancienne, s'achève
En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais
Bois même, prouve, hélas ! que bien seul je m'offrais
Pour triomphe la faute idéale de roses. »

"Assoupi de sommeils touffus", "Aimai-je un rêve ?" : la musique de Debussy ne va pas être une description, mais la transcription de cette atmosphère, alanguie, sensuelle, dans la touffeur d'une après-midi.

Il faut se laisser bercer par la douceur et la sensualité de cette musique dans laquelle domine la gracieuse flûte traversière (allusion probable à l'aulos grec), aux méandres langoureux des mélodies, aux instruments parfois exotiques (présence de crotales, cymbales antiques, particulièrement audibles à la fin). Debussy inaugure ici une nouvelle conception du temps : jusqu'à présent, la musique énonçait des idées successives, qui parfois se mêlaient ou se combattaient. Bref, il y avait un discours. Là, le temps est comme figé, statique. L'œuvre ne dure que dix minutes et pourtant, après l'avoir entendue, vous vous dites qu'elle a duré plusieurs dizaines de minutes.

Mallarmé, d'abord réticent à voir son poème "mis en musique" (même s'il ne s'agit pas tout à fait de cela, on l'a vu), adressa à Debussy un quatrain témoignant de son admiration :

« Sylvain d'haleine première
Si la flûte a réussi,
Ouïs toute la lumière
Qu'y soufflera Debussy ».

L'oeuvre était adoubée et elle reste un des moments décisifs de l'histoire de la musique. A sa création, fait unique pour une musique aussi novatrice, à la demande du public, on bissa le morceau.
Malgré les grandes réserves de Debussy, elle sera mise ne chorégraphie en 1912 par le plus grand danseur de la première moitié du XXe siècle, Vaslav Nijinski (photo).

Il existe tellement de versions de cette œuvre que je ne peux aujourd'hui en faire une liste. Laissez-vous conseiller par votre disquaire...

1 Comments:

At 6/02/2005 12:46 PM, Anonymous Anonyme said...

y'a pas moyen d'en avoir un extrait en mp3 ???

 

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