31.1.06

La femme du « roi »


C’est une grande combattante qui vient de s’éteindre, peu connue chez nous car sa figure est restée dans l’ombre de son mari. C’est en effet l’épouse de Martin Luther King, Coretta Scott King,qui vient de décéder à l'âge de 78 ans. On la voit sur la photographie ci-contre le 14 mai 2005 à Santa Barbara en Californie. Car, si elle a porté le "rêve" de son mari, Martin Luther King, apôtre charismatique des droits civiques et de la non-violence, prix Nobel de la Paix, assassiné en 1968, c’est toute sa vie qu’elle a milité pour l'égalité politique et économique des Noirs américains, passionaria des droits de l'homme, opposée à la peine de mort, défendant les droits des femmes et des homosexuels, mobilisée encore dans la lutte contre le sida. Elle avait fait savoir, en 2003, son opposition à la guerre en Irak. Fondatrice du Centre King d'Atlanta (sud) qui défend l'héritage politique de son mari, elle avait réussi, au bout de quinze ans de démarches, à faire voter par le Congrès un jour férié aux Etats-Unis célébrant le leader des droits civiques à partir de 1986. Faisant figure d'autorité morale au sein de la communauté noire américaine, cette femme énergique au visage harmonieux, toujours élégante, était unanimement respectée.

Née le 27 avril 1927 dans l'Alabama (sud), Coretta Scott King grandit dans une ferme auprès de parents pauvres mais ambitieux pour leurs trois enfants. Son père, Obediah Scott, avait été le premier homme noir dans la région à posséder un camion, avant de fonder un petit commerce, suscitant la jalousie de voisins blancs et des actes d'intimidation. Sa mère Bernice, exaspérée que le système de ramassage scolaire n'existe que pour les enfants blancs, avait loué un bus pour conduire les enfants du voisinage au lycée situé à une quinzaine de kilomètres.

Bonne élève, Coretta partit étudier dans l'Ohio (nord), dans une université où sa soeur aînée avait été la première étudiante noire à plein temps. Désirant enseigner, elle aurait dû se former dans les écoles publiques autour de son université mais ces écoles étaient blanches. Malgré ses protestations, y compris auprès du président de son université, Coretta n'y sera jamais acceptée.

Abandonnant donc ses velléités d'enseigner, elle décrocha une bourse pour étudier la musique, notamment le chant, au prestigieux New England Conservatory de Boston. C'est dans cette ville du nord-est, où les tensions raciales sont moins palpables, qu'elle rencontra son futur mari, étudiant en doctorat de théologie. Ils se marièrent en 1953 auprès père du marié, également pasteur, avant de s'installer à Montgomery dans l’Alabama du sud.

Leur première fille naquit quelques jours avant l’acte fondateur de la lutte pour les droits civiques, le boycott des bus de la ville appliquant la ségrégation, lancé en 1955 par Rosa Parks, dont on vient il y a quelques semaines de constater également la disparition.

Elevant leurs quatre enfants, Coretta milita activement dans l'ombre de son mari. Elle défila à son côté, voyagea avec lui, se démèna pour le sortir de prison lorsqu'il fut interpellé, prononça même des discours lorsqu'il avait un empêchement. Andrew Young, ancien maire noir d'Atlanta et ami de la famille, assure d’ailleurs : « Elle a toujours été plus militante que lui » ; « Les gens ne s'en rendent pas compte, mais l'action était toujours difficile pour lui. Il préférait prêcher et réfléchir. Coretta voulait descendre dans la rue ».

Quatre jours après l'assassinat du leader noir à Memphis (sud) et la veille de ses funérailles, sa veuve, impressionnante de dignité, le remplaça à la tête d'une importante manifestation en soutien aux éboueurs noirs victimes de discriminations. "Je vous lance le défi aujourd'hui de faire en sorte que son esprit ne meure jamais", déclara-t-elle alors. "Nous allons continuer son oeuvre afin que tous puissent être réellement libres".

Le combat n’est malheureusement pas terminé.

Source : AFP, 31 janvier 2006