La basse-cour ouvre un livre
C’est sans doute un peu plus réaliste mais n’est-ce pas tout aussi formaté ? Une nouvelle littérature à l’eau de rose voit progressivement le jour, plus musclée que les romans Harlequin d’autrefois. Elle s’appelle : « La littérature de poulettes » (c’est élégant !), c'est décoincé, gentiment pervers et cela se bousculait en librairie pour la Saint-Valentin : ces romans à l'eau de rose new-look renouvellent - enfin, mais pour le meilleur et surtout pour le pire - les recettes du genre.
Venue d'Angleterre et des Etats-unis, la « chick lit' » (de « poulettes », donc, en anglais) et ses variantes pour lectrices plus mûres, c'est la collection Harlequin tendance trash. Harlequin a d'ailleurs réagi en lançant sa propre série de romans pour « citadines branchées ». L'héroïne de Rose à la rescousse (Jean-Claude Lattès, 2003, ISBN 2-7096-2435-4 ; le Grand livre du mois, 2003, ISBN 2-7028-8422-9 ; France loisirs, 2004, ISBN 2-7441-6949-8 et... Pocket, 2004, n° 12057, ISBN 2266137042, tout ça pour montrer le succès) l'avoue : sa vie conjugale est « un désastre ». Son mari la trompe « avec Peggy la cochonne, alias Miss Jambonneau, (leur) conseillère conjugale en personne ». C’est du beau ! Digne du Jerry Springer Show (dont je conseille à chacun de regarder quelques minutes sur la chaîne AB1 pour voir jusqu’où l’humanité peut tomber ; et là, ce n’est pas de la fiction).
Le public retrouve en librairie les caractères qui font le succès des séries télévisées. De beaux livres de toutes les couleurs que les filles n'ont pas honte de sortir dans le métro. Avec en plus, un goût de la dérision. Les héroïnes veulent plaire, réussir, gagner de l'argent, mais se heurtent à leur famille, à leur patron ou à « un Jules à la limite du supportable ». Reste l'amour, l'amitié et « des tonnes de romances dans la tête » pour l'eau de rose.
La plupart des grandes maisons d'édition sont sur le coup et Marabout lance mi-mars sa collection "Girls in the city": « Les girls trentenaires ont tout pour plaire, mais elles désespèrent de trouver le grand amour. Leurs aventures sentimentales - et autres - vous tiendront en haleine... ». C’est beau, ces «girls», petites soeurs de Bridget Jones !
Citadines obsédées par le look et les « mecs », elles sont les modèles et la cible de cette nouvelle littérature sentimentale. C’est une littérature de filles, pour lolitas branchées et mères de famille décomplexées. Remarquez, c’était déjà le cas des romans Harlequin (dont je rappelle que si l’éditeur a conservé son nom, la collection est devenue la collection Azur depuis presque vingt ans), « tout un monde d’évasion », où la jeune et jolie héroïne, sans le sou, tombait amoureuse d’un prince nabab et, après mille péripéties, finissait par l’épouser. Seulement, ce genre de littérature sentimentale marchait de moins en moins. Le lifting était devenu urgent car les ventes étaient en recul depuis plusieurs années et les stéréotypes trop bien-pensants pour notre monde cruel. Les « girls », maintenant, évoluent dans un monde de shopping et de pia-pia, de jalousie et de trahison, où le vice reste malgré tout sous contrôle.
Même Le Fleuve Noir vient de s’y mettre, avec Alexandra, l'héroïne de Mécano Girl qui sort cette semaine, « jolie blonde farfelue, aussi à l'aise avec une clé à molette qu'en talons aiguilles » (voir ici). N’oublions pas que l'éditeur publie aussi San Antonio, aussi transparaît-il quelque machisme dans sa promotion : « Les dialogues sont aussi musclés que les fessiers des autochtones des South Beach, et le couple que forment Barney et Sam est sexy en diable». La collection "Gossip girl" du Fleuve Noir est ainsi décrite pour le tome 7 : « Ils sont jeunes, ils sont riches, ils sont beaux, ils ont un penchant immodéré pour l'alcool, la fête, la cigarette... et les grossièretés » (voir sur place ici). Les titres : Je suis parfaite, et alors ? ; Je veux tout, tout de suite ; Ça fait tellement de bien de dire du mal, etc.
C’est tellement génial ! Vive l’alcool sans modération, la fête, la cigarette, et surtout les grossièretés ! Merci de faire ainsi rêver les jeunes ! Je sens que cela va encore arranger les rapports humains dans le métro... Bref, je crois que c’est plus branché qu’avant mais tout aussi décervelant.
Information : AFP, 14 février 2006
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